Discours du chef d’état-major des Armées, le général d’armée Thierry Burkhard, à l’occasion de la réception annuelle de l’association Frères d’Armes en l’honneur des stagiaires internationaux de l’enseignement militaire français.
Monsieur le président de Frères d’armes, mon général, cher Philippe,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames, Messieurs les attachés de défense,
Mesdames, Messieurs,
Tout d’abord merci de cette invitation à cette réception annuelle qui permet de mettre à l’honneur les stagiaires de cette année. Merci aussi à vos pays de nous avoir confié une partie de votre formation. Merci aux marraines et parrains ainsi qu’à l’association ACOLIA pour leur action. Et enfin, merci à vous d’avoir fait l’effort de l’expatriation, ce qui n’est jamais simple.
Je voudrais vous dire quelques mots sur l’importance des échanges tels que ceux dont vous avez fait partie cette année.
Pour commencer, dans la stratégie militaire générale française, un des trois axes d’effort identifiés est la solidarité stratégique. Si la France conserve toujours une option permettant d’intervenir seule, le constat reste qu’il est plus efficace d’agir à plusieurs. Il s’agit bien sûr de pouvoir disposer de davantage de moyens. Mais cela permet surtout de donner davantage de légitimité et de crédibilité aux interventions. De manière générale, nous devons donc toujours nous poser la question : « avec qui ? ». Et la réponse à cette question s’anticipe et se construit. Pour qu’un partenaire réponde : « avec moi », nous devons avoir tissé des liens de confiance et atteint un certain niveau d’interopérabilité. Dans ce domaine, en France, nous portons notre effort sur la fiabilité, sur le respect de la parole donnée afin de nourrir la confiance. Cela peut parfois générer des frustrations car, face à des attentes importantes, nous pourrions proposer peu. Toutefois, ce que l’on propose, on le fera. Nous préférons générer quelques frustrations au début que décevoir les attentes en faisant des promesses que nous ne tiendrions pas. Nous nous refusons à bénéficier des effets positifs d’annonces si nous ne sommes pas capables de nous y tenir.
La confiance est donc le point clé et elle se travaille lors d’exercices ou de déploiements en commun. Mais si nous voulons qu’elle soit solide, il faut faire plus. Et, les relations interpersonnelles sont au cœur de l’efficacité des partenariats car, la confiance, elle tient aussi à la connaissance et à la compréhension de la culture de l’autre. Nous pouvons même estimer qu’il s’agit d’une véritable compétence que nous pourrions appeler la compétence interculturelle. Pour la développer, il n’y a rien de plus efficace que l’immersion. Elle permet de comprendre comment sont formés les cadres d’une armée alliée, d’apprendre son histoire militaire, de connaitre son organisation, sa doctrine et surtout de se créer un réseau vers lequel on pourra se tourner en temps de crise. En résumé, il s’agit de connaître la culture militaire de l’autre. Au-delà des formations spécifiques que vous avez suivies cette année, j’espère que cette connaissance interpersonnelle est ce avec quoi vous repartirez dans vos pays. Pour y arriver, il faut aussi une qualité que je demande systématiquement aux cadres de développer : l’ouverture d’esprit. Plus la guerre et les conflits étendent leur emprise plus il faut aux militaires de vastes connaissances et des réseaux solides pour désamorcer les incompréhensions et traduire les intentions. En somme, pour nous permettre d’opérer avec nos partenaires et alliés plus rapidement et efficacement, ce qui est aujourd’hui, plus que jamais, clé pour prendre l’ascendant sur nos adversaires.
Je terminerai avec trois points qui me semblent primordiaux et que, je pense, nous partageons. Le premier est que nous devons avoir confiance dans nos valeurs. Il ne s’agit pas d’être naïf mais il ne faut pas non plus se renier en étant séduit pas de possibles gains de court termes. En plus de les défendre collectivement, elles sont un guide qui, sur le long terme, nous donne un avantage significatif.
Le deuxième, c’est l’importance de la cohésion au sein de nos partenariats et alliances qui nous permet d’afficher notre détermination mais qui est aussi la cible privilégiée de nos adversaires. Ils cherchent à nous diviser pour mieux nous battre. Votre présence ici est la preuve qu’ils sont loin d’avoir gagnés.
Enfin, le dernier point, est que je considère qu’aujourd’hui nous devons prévenir les crises plutôt qu’en gérer les conséquences, ces dernières étant souvent lourdes et irréversibles. Bien sûr, cela est plus compliqué car les effets sont moins tangibles que lorsque nous agissons en réaction face à une crise. Réussir à le faire à plusieurs est un défi encore plus grand. Pourtant, dans l’environnement stratégique tel qu’il est, si on ne prend pas risques, on perd car, si agir c’est prendre des risques, aujourd’hui, l’inaction est encore plus risquée.
Encore merci à l’association Frères d’armes et à vous tous, acteurs de la solidarité stratégique.